08/ Le règne d’Albert II (1993-2013)

Suite à la mort du Roi Baudouin, c’est son frère Albert (époux de Paola Ruffo di Calabria, aristocrate italienne) qui monte sur le trône, le 9 août 1993. Il devient ainsi le sixième roi des Belges.

albert et paola

Au niveau économique

Les tendances amorcées à partir des années 1970 (inversion du poids économique des régions, crise dans la sidérurgie, fermeture d’entreprises, intervention de l’État et des Régions pour sauver les entreprises et soutenir le développement économique, mesures d’économies et plans d’austérité, poids des entreprises étrangères et internationales et absorption d’entreprises belges) vont se poursuivre tout au long des 2 décennies suivantes, comme vont le montrer les exemples ci-dessous. De même, tout comme par le passé, les travailleurs vont continuer à se mobiliser afin de défendre leur outil de travail et ce, notamment, en manifestant, en faisant grève et en occupant les entreprises.

Exemples d’absorption d’entreprises belges

Cockerill-Sambre(1998)

Malgré les restructurations réalisées, Cockerill Sambre ne va pas retrouver une compétitivité suffisante. Il lui faut réaliser une économie annuelle récurrente de 10 milliards de francs belges (près de 250 millions d’euros), dont 40% par réduction de la masse salariale via la suppression de 2.000 emplois {Dinard (C), La saga de l’acier wallon, de Cockerill à Arcelor, La Libre Belgique, 13/06/2003}. Par ailleurs, la seule issue pour lui est de s’engager dans une alliance stratégique avec une autre société sidérurgique européenne. Différentes propositions vont lui être faites. C’est le groupe français Usinor qui va être choisi, en 1998.

Par l’accord sidérurgique signé le 14 octobre 1998 à Namur, la Région wallonne va vendre 53,77 % de Cockerill-Sambre au Groupe français Usinor {Le soir, Sept. 1998, Usinor s’est engagé à acheter Cockerill Sambre Le sidérurgiste français Usinor a déposé une offre «contraignante» pour le rachat de Cockerill Sambre. Plus question de reculer. Les chemins du prétendant et de la courtisée devaient se croiser La Vuelta en attendant le messie de l’acier wallon, Tardy Martial; Charlet Marc; Dorzee Hugues.} (et garder une minorité de blocage de 25%).

En 2002, Usinor va s’allier avec le Luxembourgeois Arbed et l’Espagnol Aceralia pour constituer Arcelor, le premier groupe sidérurgique mondial. La participation de la Sogepa (société holding de la Région wallonne) de 25% dans Cockerill Sambre va être échangée le 17 décembre 2001 contre une participation de 8% dans le capital d’Usinor laquelle, à son tour, va devenir, au début de 2002, une participation de 4,25% dans le capital d’Arcelor.

En juillet 2006, Arcelor va fusionner avec Mittal Steel; le poids de la Région wallonne va donc encore diminuer {Destatte (P), L’économie wallonne dans une perspective historique (1886-2006)[icon pdf ], Institut Destrée, 2010, p.32}. Cockerill souffre de prix de revient plutôt élevés dus à l’éloignement de la mer, à la dispersion des outils, etc. Cependant il bénéficie d’une large gamme de produits plats minces et d’un bon réseau de distribution dans le Benelux ainsi qu’en France, en Angleterre et en Allemagne. Cockerill peut également compter sur ses sociétés de transformation, relaminage et distribution de produits fini.

En Octobre 2011, ArcelorMittal va annoncer la fermeture de la quasi-totalité de la phase à chaud de Cockerill. Plus de 600 emplois directs sont menacés sans tenir compte de l’effet sur des centaines de sous-traitants {La libre – Actualité – Groupe, Luxembourgeois, Mittal Steel} …. Un délégué syndical va déclarer à cette occasion: “Il a obtenu des concessions gigantesques du gouvernement wallon pour acquérir les quotas d’émission de CO2. Par la suite, il n’a cessé d’exiger des concessions, de la flexibilité, mais n’a jamais procédé aux investissements promis”. La mort prochaine de la phase à chaud aussi scelle le sort de la sidérurgie intégrée à Liège – le “chaud” produisant l’acier travaillé par les usines du “froid” pour l’automobile et la construction notamment. Désormais totalement dépendantes, pour leur approvisionnement, de hauts-fourneaux éloignés, ces usines du froid sont fragilisées. Or, c’est bien là que se situe, depuis quelques années déjà, l’essentiel de l’emploi dans l’acier liégeois. Mais, alors que des centaines d’emplois sont menacés à Liège, chez ArcelorMittal à Gand, c’est un accord relatif à la revalorisation du statut des 909 travailleurs chargés de la maintenance qui a été conclu. L’issue heureuse de ce conflit-là illustre bien l’avantage compétitif pris par la sidérurgie maritime au sein des géants de l’acier {ArcelorMittal sacrifie le cœur de Cockerill, Le Soir, 13 octobre 2011}.

La Société wallonne de gestion et de participations (Sogepa) est une société holding de la région wallonne, qui a repris, entre autres, les activités de la Société wallonne pour la sidérurgie (SWS). Dans le secteur sidérurgique, elle a pour objet, dans le cadre de la politique économique générale wallonne, de favoriser la création ou l’extension d’entreprises ainsi que de promouvoir l’initiative industrielle publique.

Les Usines Gustave Boël (UGB)

A l’origine de ces usines installées à La Louvière, il y a les “Forges, fonderies et laminoirs d’Ernest Boucquéau“, fondés en 1853 pour élaborer de la fonte et fabriquer du fer. Elles vont être héritées par Gustave Boël {wikipedia.org – Gustave_Boël} (qui y travaillait et qui les avait sauvées de la faillite) en 1880. L’entreprise ne cesse de prospérer et compte 1200 ouvriers en 1897. À la veille de la Première Guerre mondiale, c’est une des principales industries sidérurgiques de Belgique; deux hauts fourneaux y sont actifs {DELPLANCQ (Th), La destruction des hauts-fourneaux des anciennes usines Boël Un peu de La Louvière qui disparaît…[icon pdf ]}. Il va créer un groupe industriel par la prise de participations dans d’autres entreprises comme l’aciérie Fabrique de Fer de Charleroi (Fafer) à Charleroi, des mines de charbon et l’industrie verrière des Glaces de Moustier-sur-Sambre (qui deviendra Glaverbel). L’usine dans laquelle travailleront des milliers d’ouvriers et d’employés de la région, est désormais un pôle industriel majeur. A la fin des années 1940, l’entreprise compte près de 3200 ouvriers parmi lesquels un important pourcentage de main d’œuvre étrangère {DELPLANCQ (Th), La destruction des hauts-fourneaux des anciennes usines Boël Un peu de La Louvière qui disparaît…[icon pdf ]}.

Grâce à l’absence de toute dispersion, les Usines Gustave Boël à La Louvière vont éviter les pertes jusqu’en 1991-92. Après leur premier déficit, il est décidé de supprimer 590 postes de travail sur un total de 2.400. En 1997, UGB va réaliser avec Hoogovens (groupe sidérurgique néerlandais) une joint-venture {Il s’agit d’une entreprise commune ou coentreprise (“joint-venture” [En]) créée par deux entreprises ou plus et détenue à part égale par ces dernières.} 50/50 %. Mais, l’opération ne va pas être couronnée de succès et, en octobre 1998, Hoogovens-UGB va être placée sous curatelle {Dinard (C), La saga de l’acier wallon, de Cockerill à Arcelor, La Libre Belgique, 13/06/2003}. Duferco Investment et les autorités wallonnes (à travers la Société wallonne pour la sidérurgie -SWS-) vont créer, en 1999, Duferco La Louvière en vue de l’acquisition de l’entreprise Hoogovens-Usines Gustave Boël {La SWS a contribué à la capitalisation de Duferco La Louvière par un apport d’environ 17,8 millions d’euros ainsi qu’un prêt subordonné d’environ 27,8 millions d’euros (garanti à 75 % par le groupe Duferco). Le groupe Duferco a contribué par un apport d’environ 53,5 millions d’euros. En outre, en vue de contribuer au financement des investissements supplémentaires de Duferco La Louvière, Duferco Investment et la Sogepa ont constitué la société holding Duferco Belgium qui devait prendre une participation dans le capital de Duferco La Louvière.}.

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Exemples de disparition d’entreprises belges

Ces 20 dernières années vont être marquées par la poursuite des dynamiques d’absorption et de disparition d’entreprises, qu’elles soient belges ou étrangères:

Les Forges de Clabecq (1996)

L’histoire de ce qui allait devenir “Les forges de Clabecq” remonte à 1781, date à laquelle un bourgeois bruxellois va entreprendre la construction d’un moulin à battre le fer actionné par une roue hydraulique. En 1794, on va y produire des essieux, bandages… pour les chariots de ferme. Une trentaine de personnes y travaillent déjà. Mais, c’est vers le milieu du 19e siècle (en particulier à partir de 1861) qu’elles vont véritablement prendre leur essor grâce, notamment, aux choix stratégiques et aux investissements qui vont être faits. Les forges vont être agrandies, des maisons pour les ouvriers vont être construites {Des associations vont être créées. Parmi celles-ci, on retrouve la « Société philharmonique du Progrès » qui regroupait des ouvriers musiciens des Forges.}, le matériel va être renouvelé. Par ailleurs, l’ouverture du canal de Bruxelles-Charleroi à la navigation en 1832 et la construction de la gare ferroviaire de Tubize vont offrir d’excellents moyens de communication pour acheminer les matières premières jusqu’aux forges et expédier les produits finis.

Au fil des années, le nombre d’ouvriers ne va cesser d’augmenter, jusqu’en 1974: de 300 en 1851, on passe à 800 en 1861, à 1200 en 1885, à 1842 en 1920, à 3315 en 1959, à 4852 en 1972 et 5064 en 1974. Par la suite, il va lentement diminuer: 4347 ouvriers en 1979, 2240 en 1988 pour se retrouver à 1374 {Auxquels s’ajoutent 316 employés et 80 cadres.} ouvriers au moment où les Forges vont être déclarées en faillite en 1997 {Delporte (L), La fondation des Forges de Clabecq en 1781, et Delporte (L), Les Forges de Clabecq au milieu du XIXè siècle, Delporte (L), Chronologie des forges}.

En vue de l’acquisition de l’entreprise des Forges de Clabecq, le groupe Duferco et les autorités wallonnes (à travers la Société Wallonne pour la sidérurgie SWS) vont créer Duferco Clabecq {La SWS a contribué à la capitalisation de Duferco Clabecq par un apport d’environ 8,6 millions d’euros  ainsi qu’un prêt subordonné d’environ 13,6 millions d’euros (garanti à 75 % par le groupe Duferco). Le  groupe Duferco a contribué par un apport d’environ 25,9 millions d’euros}. Mais, remise en route avec 650 personnes, la reprise de cette entreprise ne sera que temporaire. En 2001, le haut fourneau et l’aciérie sont arrêtés définitivement. Seuls vont être maintenus le laminoir et quelques services annexes. La participation de la Sogepa dans Duferco Clabecq va être réduite de 25% à 5,91 % à la suite de l’opération de réduction de capital, en 2002 {eur-lex.europa.eu}.

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La Sabena (2001)

Elle était la compagnie aérienne nationale belge jusqu’en 2001. Née en 1923, au début de l’aviation {Les accidents sont fréquents à l’époque et les vols, inconfortables. Les premiers sièges ne sont alors que des fauteuils de jardin en rotin. GRIBAUMONT (G), Tout cela ne nous rendra pas la Sabena, Le Vif, 28 septembre 2011}, elle était la 3e plus ancienne compagnie aérienne au monde {après la KLM (Compagnie néerlandaise) et Avianca (compagnie colombienne) créées, toutes les deux en 1919.}. Une de ses missions initiales était d’assurer des liens aériens entre la Belgique et le Congo. De 1946 jusqu’à sa déclaration en faillite en 2001, elle n’aura de cesse d’étendre son réseau sur les quatre continents, avec un accent particulier sur les liaisons africaines (Léopoldville-Kinshasa, Dakar, Entebbe, Douala, Kano, etc.) qui vont constituer sa marque de référence et une part très importante de son marché (en plus de la ligne Bruxelles-New-York).

En 1995, afin d’assurer sa survie (dans un contexte de crise et de concurrence sévère dans le domaine aérien) et de désengager les finances publiques des comptes de l’entreprise, le gouvernement belge va céder 49 % du capital de la société à l’actionnaire SairGroup (Swissair). Cela ne va cependant pas empêcher que la Sabena soit déclarée en faillite, quelques années plus tard, en 2001, juste après que son partenaire Swissair se soit déclaré en faillite également. Depuis lors, Belges et Suisses se rejettent, devant les tribunaux, la responsabilité de la mort de la Sabena, l’Etat belge réclamant des dommages et intérêt {Notons que les tribunaux belges ont également été saisis dans le cadre d’une autre enquête liée à la faillite de la Sabena. Celle-ci porte sur d’éventuelles fraudes commises à la Sabena et a démarré en 2001 à la suite d’une plainte déposée par deux membres du personnel de la compagnie aérienne. A l’issue d’une instruction qui aura duré sept ans, le juge avait inculpé 36 personnes mais le parquet de Bruxelles n’a finalement décidé que d’en renvoyer 10 en correctionnelle. L’une de ces personnes, l’ex-directeur général est depuis décédée. L’enquête s’articule autour de trois axes. Un premier porte sur la commande passée en 1997 de 34 avions Airbus A320, alors que la compagnie aérienne n’en avait en fait besoin que de la moitié. Le deuxième volet de l’instruction, lié au premier, porte sur la comptabilité. Enfin, dernier volet du dossier, la Justice a découvert que six suspects, tous des topmanagers, ont touché pendant des années plusieurs millions de primes en noir. Belga, Fraude à la Sabena: le juge présente l’instruction, Le Soir, 20 septembre 2011}. À la défunte compagnie va succéder en 2002 “SN Brussels Airlines” qui fusionnera, en 2006, avec Virgin pour former la “Brussels Airlines“.

Royal Boch (2011)

Célèbre faïencerie belge, l’usine de Royal Boch était installée depuis 1844 à La Louvière. Au fil du 19e siècle, elle va acquérir une solide réputation à la suite de visites royales et de nombreuses distinctions remportées lors d’expositions internationales. Fondée sur le modèle paternaliste et corporatiste, elle va recruter de la main d’œuvre étrangère expérimentée et de la main d’œuvre locale qu’elle va former, s’attachant ce personnel par des réalisations sociales et par la création d’institutions (maisons ouvrières, école, caisse pension, …). Le développement industriel de la commune va d’ailleurs conduire la partie de St Vaast sur laquelle se trouve la faïencerie (et les Usines Gustave Boël) à devenir une commune autonome qui va prendre le nom de La Louvière en 1869. Comptant 250 travailleurs en 1893 et près d’un millier en 1900, ils seront 1350 en 1936. En 2009, il en restera 47…

En effet, la société va connaître un lent déclin à partir de 1975 malgré les restructurations et les interventions financières des pouvoirs publics {De BOCH Frères à Royal BOCH: une image de qualité}. L’entreprise va faire l’objet de différentes reprises dont la dernière, en 2009, par un homme d’affaire bruxellois (qui deviendra ainsi l’actionnaire majoritaire) avec le soutien de la Région wallonne qui va détenir 49% de la nouvelle entreprise {Law (Ph), Royal Boch est enfin reprise, La Libre Belgique, 30/06/2009} et qui va accorder un prêt de 950.000 euros {Belga, Royal Boch en faillite, Le Soir, 07 avril 2011}. Ceci n’empêchera, toutefois, pas la société d’être déclarée en faillite, en 2012. L’homme d’affaires est soupçonné d’avoir acquis la faïencerie uniquement dans le but d’effectuer une transaction commerciale. Son objectif aurait été de déplacer la production de la faïencerie à l’étranger. Quoiqu’il en soit, la Région va s’employer à récupérer le prêt qu’elle lui avait octroyé {Belga, Royal Boch en faillite, Le Soir, 07 avril 2011}.

Carsid (2012)

A côté des gros sidérurgistes, la Wallonie a abrité plusieurs sidérurgistes indépendants {La Fafer à Charleroi, les Usines Gustave Boël (UGB) à La Louvière et les Forges de Clabecq}. L’histoire de Carsid, anciennement “la Fabrique de Fer de Charleroi” (Fafer) remonte à 1864 avec la construction à Charleroi d’une usine pour la fabrication du fer. Dès l’origine, l’entreprise se spécialise dans la fabrication de tôles et de plats pour la construction de ponts, de locomotives, de chaudières, de navires,… Fin du 19e siècle, l’entreprise emploie 400 ouvriers. La famille Boël va en prendre progressivement le contrôle après la seconde guerre mondiale {De Saint Martin (A), Histoire d’une entreprise, La Fabrique de Fer de Charleroi,1863-1930, Mémoire de licence sous la dir. du Prof. Michel Dumoulin, UCL, 1999.}. L’entreprise va fonctionner remarquablement pendant de nombreuses années, améliorant même son bénéfice en pleine crise de l’acier, grâce à sa grande souplesse, à un faible endettement, à l’existence d’importantes liquidités et à la haute qualité de ses tôles fortes à usages spéciaux et en inox. Toutefois, elle ne va pas pouvoir échapper au vaste mouvement de concentration.

En 1997, Usinor va débourser 10 milliards de francs belges pour racheter 50,7% de son capital. Il va porter ensuite sa participation à 98% et va décider d’y investir 700 millions de francs belges pour doubler sa production {Dinard (C), La saga de l’acier wallon, de Cockerill à Arcelor, La Libre Belgique, 13/06/2003}. En 2000, la Fafer est rebaptisée Usinor Industeel. En 2001, Duferco et Usinor créent Carsid, détenue à 60% par Duferco et à 40% par Usinor {Belga, L’histoire de Carsid, L’Echo, 28 mars 2012}. L’intervention de la région wallonne consiste en une participation de la Sogepa dans le capital social de la nouvelle société (9 millions d’euros) {eur-lex.europa.eu}. Fin 2004, Duferco devient l’unique actionnaire de Carsid. Durant les années 2004-2005-2006, le haut-fourneau de Carsid est l’un des plus performants d’Europe. En novembre 2008, dans un contexte de crises financière et économique, Duferco va mettre le personnel de Carsid en chômage économique. Auparavant, la cokerie, jugée trop polluante, avait déjà été fermée. La consommation d’acier en Europe passe de 220 millions à 165 millions de tonnes entre 2007 et 2011 {Belga, L’histoire de Carsid, L’Echo, 28 mars 2012}. En mars 2012, Duferco va annoncer la fermeture du site de Carsid, le dernier haut-fourneau de Charleroi. L’entreprise sidérurgique était à l’arrêt depuis plus de 3 ans et un millier de travailleurs étaient en chômage économique. Parmi les éléments qui ont joué en défaveur de la phase à chaud carolo, le représentant de Duferco a évoqué un “changement de paradigme industriel” depuis 2008 qui, à la faveur d’une forte hausse des prix des matières premières, défavorise les hauts-fourneaux ne disposant pas de minerais à proximité. L’état de l’économie européenne a également joué en défaveur de Carsid. “L’économie européenne est perçue ailleurs dans le monde comme la moins porteuse“, a indiqué le patron de Duferco Belgium. Il a aussi souligné les contraintes environnementales européennes. “Il est de plus en plus difficile en Europe de maintenir près du centre d’une ville moderne, ou d’une agglomération, des usines comme une cokerie {Van Winckel (M), Borowiak (C), Le haut fourneau de Carsid à Charleroi ne sera pas relancé, RTBF Info}.

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Exemples de fermeture d’entreprises étrangères implantées en Belgique

Renault Vilvorde (1997)

Cette usine, dont la première unité de montage sur le site de Vilvorde remontait à 1935, a fermé ses portes en 1997 et a provoqué la perte de 3100 emplois en Belgique. En 1995, pourtant, un triple défi avait été imposé aux travailleurs de Vilvorde: construire une nouvelle chaîne, aménager l’atelier de carrosserie-montage et accepter une flexibilité accrue sous la forme de journées de 9 heures au lieu de 8 et de semaines de 3, 4 ou 5 jours selon la demande. Mais, rien n’y a fait, malgré la flexibilité accrue des travailleurs. En fait, la décision de fermeture fait suite au choix du groupe français de redéployer sa production sur 7 sites au lieu de 12. C’est l’idée que pour assurer l’avenir de l’appareil industriel, il faut produire mieux et moins cher {A terme, 1.900 emplois équivalents suffiront pour reprendre la production des quelque 140.000 voitures assemblées actuellement en Belgique par 3.100 personnes}. La qualité de la production de l’usine de Vilvorde n’était pas en cause a souligné la direction de Renault.

Dans le cadre de la faillite de l’entreprise automobile Renault (et la surprise qu’elle a causée), une loi concernant la procédure à mettre en place lors de licenciements collectifs va être prise: la loi du 13 février 1998 (dite loi Renault). Celle-ci prévoit que l’employeur doit, dans une période de 60 jours, respecter une procédure d’information et de consultation Par ailleurs, cette loi prévoit des sanctions spécifiques en cas de non respect de la procédure décrite, beaucoup plus importantes que celles qui seraient infligées en cas de simples infractions à la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives et les commissions paritaires.

De façon générale, la décision de fermer Vilvorde a profondément marqué les esprits dans un pays où l’assemblage automobile est une fierté de l’industrie. En effet, la fermeture brutale de Renault Vilvorde a été un signal d’alarme pour toute l’industrie de l’assemblage automobile en Belgique.

Opel Anvers (2010)

Cette usine, implantée à Anvers depuis 1924, employait encore environ 2.600 personnes, en 2009  {AFP, Opel Anvers définitivement à l’arrêt, Le Soir, 15 décembre 2010}. Sa fermeture, décidée par la maison mère d’Opel, le groupe américain General Motors {dans le cadre d’un large plan de restructuration des activités européennes de GM, qui prévoit la suppression de 8.300 emplois sur 48.000 d’ici à 2015}, a causé un véritable traumatisme à la Flandre. En effet, si 2.600 personnes sont directement concernées, il y a au total, au moins 5.000 emplois qui sont menacés en comptant les sous-traitants. Pour justifier sa décision, la direction d’Opel évoque une crise économique jamais connue jusque-là et la surcapacité générale {Belga et AFP, Opel Anvers ferme ses portes: 5.000 emplois concernés, La Libre Belgique, 21/01/2010}.

De façon générale, le handicap majeur de la Belgique est l’absence de tout constructeur local. Dans les prises de décision au niveau international, les usines d’assemblage belges n’ont guère de poids auprès des décisionnaires. La restructuration de Renault le prouve: ce sont les implantations étrangères qui souffrent du redéploiement progressif de la production du constructeur français sur 7 sites au lieu de 12. Face à la mondialisation, à la délocalisation et surtout à une surproduction mondiale qui atteint déjà 10 %, les forces politiques et syndicales nationales ont peu de poids {RENAULT-Vilvorde ferme:3100 emplois disparaissent, Le Soir, 28 février 1997}. La Belgique a perdu en une décennie la moitié de sa production d’automobiles {Alors qu’en 2001, près d’1,2 million de voitures et camions étaient assemblés en Belgique, seuls 525.000 véhicules sont sortis des usines belges en 2010. Si en 2001, la Belgique était le pays où l’on assemblait le plus de voitures par habitant, le pays a désormais reculé au classement des plus grands producteurs de véhicules au monde. Selon l’OICA, la Belgique est passée, entre 2001 et 2011, de la 14e à la 24e place, derrière l’Indonésie, la Malaisie et la Slovaquie. L’industrie automobile a diminué de moitié en 10 ans en Belgique}.

En 2011, l’emploi direct dans le secteur automobile belge s’élevait à 37 000 postes de travail. Directement et indirectement, l’industrie automobile procurait du travail à quelque 82.500 personnes en Belgique.

Mesures d’aide dans le cadre de la crise financière

La crise financière qui a débuté aux Etats-Unis (en juillet 2007) {Elle a débuté avec les fameux subprimes et s’est ensuite propagée comme une trainée de poudre. Pour rappel, des banques peu scrupuleuses ont prêté à haut risque (subprime) de l’argent à des gens qui n’avaient pas les moyens de rembourser. Pour se prémunir, elles ont revendu le risque sur les marchés sous forme de titres que d’autres banques ont ensuite achetés, car ils promettaient d’être très rentables (Ndlr: À l’époque, les prix dans l’immobilier aux Etats-Unis flambaient). Au final, lorsque, des millions d’Américains n’ont plus pu rembourser leur crédit hypothécaire, les banques prêteuses se sont trouvées en difficulté et n’ont plus pu payer les banques qui avaient acheté (souvent sans vraiment comprendre de quoi il s’agissait) ces produits dérivés. Celles-ci, prises dans l’engrenage ont alors fortement diminué la quantité de crédits qu’elles accordaient aux entreprises pour financer leurs activités. Ainsi est née une crise systémique annonçant un risque général d’effondrement de l’économie: à partir d’un élément et par un effet de dominos, c’est tout le système financier sur lequel repose l’économie qui a failli s’écrouler. Roland (L), Qu’à coûté la crise au citoyen ?[icon pdf ], Réseau financement alternatif, février 2011} va toucher l’Europe, en 2008.

La Cour des comptes a publié, en janvier 2011, les chiffres concernant le coût de la crise pour l’État belge: le sauvetage du système financier lui a coûté 15 milliards d’euros. Entre 2008 et 2011, la Belgique a déboursé 21,08 milliards d’euros et en a récupéré quelque 6 milliards. Ce déboursement a été utilisé pour le sauvetage des banques belges (Fortis, Dexia, KBC, Ethias principalement) et pour l’aide à la Grèce {Roland (L), Qu’à coûté la crise au citoyen ?[icon pdf ], Réseau financement alternatif, février 2011}.

Ainsi, plusieurs mesures d’aides ont été décidées pour soutenir le secteur financier puis pour garantir la stabilité de la zone euro, exposée à la crise de la dette.

A titre illustratif, à l’époque, la participation de l’État dans BNP Paribas se monte à 7,166 milliards d’euros (10,79% du total). La participation de la Belgique s’élève à 100% dans Dexia Banque Belgique, rachetée par l’Etat pour 4 milliards d’euros (et donc de facto nationalisée) lors du démantèlement du groupe bancaire franco-belge Dexia SA. La Belgique a également pris une participation dans Dexia SA, d’un montant de 1 milliard d’euros (soit 5,73% du capital). Les autres participations publiques concernent notamment Fortis Banque (2,356 milliards, soit 25%), Ethias (500 millions, soit 25%)… {nota bene NB; les rémunérations liées aux garanties accordées au secteur financier et les contributions au Fonds spécial de protection, par exemple, ont rapporté 2,8 milliards d’euros au fédéral entre 2008 et 2011. Voir: 15,7 milliards: la «facture» du sauvetage des banques belges, Trends tendances, 20 décembre 2011}.

Entretemps, la dette publique belge {C’est à dire l’ensemble des engagements financiers, sous formes d’emprunts pris par le gouvernement fédéral belge ainsi que les entités fédérées (régions et communautés de Belgique, provinces et communes) et la sécurité sociale} est passée de 84,2% du PIB {Le produit intérieur brut (PIB) est un indicateur économique utilisé pour mesurer la production dans un pays donné. Il est défini comme la valeur totale de la production de richesses (valeur des biens et services créés – valeur des biens et services détruits ou transformés durant le processus de production) dans un pays donné au cours d’une année donnée par les agents économiques résidant à l’intérieur du territoire national. C’est aussi la mesure du revenu provenant de la production dans un pays donné. On parle parfois de production économique annuelle ou simplement de production. Le PIB sert souvent d’indicateur de l’activité économique d’un pays.} en 2007 à 96,2% en 2009 {A titre de comparaison, elle était (en % du PIB) de 76,1% en 1980, 128,1% en 1987 et 137,8% en 1993, année à partir de laquelle elle a commencé à diminuer lentement (le montant de la dette, en devises constantes, a quant à lui continué d’augmenter jusqu’en 1995) et ce, jusqu’en 2007 où elle était de 84,1%. Elle va ensuite recommencer à monter.}. En valeur absolue, la dette publique de la Belgique a augmenté de 44,1 milliards d’euro entre ces deux dates. Etant donné que, pour financer le sauvetage bancaire, les pouvoirs publics belges se sont endettés pour un peu plus de 20 milliards d’euros, on peut estimer qu’environ 45% de l’augmentation de la dette sont imputables au sauvetage des banques par l’État {François Sana et Eric Toussaint (CADTM), Trois ans après le sauvetage des banques belges, toujours le même breuvage empoisonné, Le Soir, 11 octobre 2011}.

À la fin du mois de mars 2012, la dette de l’État fédéral s’élevait à 369.588.340.459,96 euros {Deboutte (J), Situation de la dette de l’Etat fédéral à fin juin 2012, 18/06/2012}.

En avril 2012, le taux de chômage en Belgique était de 7,4% {Eurostat, Le taux de chômage à 11,0% dans la zone euro[icon pdf ] , communiqué de presse, 7/1/2016}.

L’ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE EN BREF {Sauf mention contraire, ce qui suit est extrait de: Attac, CSC, FGTB, Economie belge de 1945 à 2005, Histoire non écrite[icon pdf ]}

La financiarisation de l’économie

A partir des années 1980, en Belgique, comme dans le reste des économies européennes continentales, les profits ne sont plus entièrement ou même principalement réinvestis sous forme productive dans le pays.

Ils sont utilisés dans une proportion croissante à des opérations financières (désendettement, rachat de ses propres actions par l’entreprise, fusions-acquisitions (OPA) et achats d’autres entreprises, concurrentes ou non) et à des investissements productifs dans d’autres régions du monde (délocalisations) ou, tout simplement, à davantage rémunérer les actionnaires. Il devient plus sûr, plus facile et plus rentable d’accumuler du capital dans la sphère financière (bourse des actions, marché des changes, spéculation immobilière ou sur les matières premières…) que via l’activité industrielle {Cette dynamique est notamment la conséquence de deux décisions prises par les Etats-Unis dans les années 1970. En 1971, le président Nixon met fin à la convertibilité du dollar en or: il n’y a plus d’étalon de mesure “universel”, Washington peut désormais décider seul du destin du dollar, qui s’est imposé comme la monnaie des échanges internationaux. En 1979, la Réserve Fédérale (“Banque Nationale” des USA) fait exploser les taux d’intérêt: comme beaucoup d’emprunts, dans le monde, sont libellés en dollars, cette décision asphyxie les acteurs qui se sont endettés pour se développer, que ce soient des entreprises ou des États. Ces deux décisions vont aussi fragiliser le mode d’accumulation du capital via l’investissement industriel: – le flottement des monnaies entre elles crée à la fois, un risque accru (les industriels travaillant au niveau international vont devoir s’assurer (cher) contre les risques de change) et des opportunités de spéculation. – l’explosion des taux d’intérêts minimaux avait pour but que, même après déduction de l’inflation, les taux d’intérêts réels restent élevés. Cette mesure se fait au détriment des industriels (et des ménages, et des États) qui voudraient emprunter pour développer leur activité}. Il résulte de cette situation un important sous-investissement structurel qui pèse sur la croissance en limitant l’innovation technologique, les gains de productivité et l’augmentation des capacités de production. A titre illustratif, alors que durant les années 1960 et 1970, les entreprises investissaient 90% de leurs ressources disponibles, à partir de 1982, les entreprises ne vont plus investir que 40% à 50% de leurs ressources, le reste étant affecté à des placements financiers.

→ À la faveur de la « crise » des années 70, mais surtout du fait d’orientations politiques fortes (impulsées par M.Tatcher et R. Reagan) entre 1979 et 1982, on est passé d’un régime d’accumulation où les entreprises gagnaient de l’argent en produisant à un nouveau régime où les entreprises gagnent de l’argent en spéculant sur des ressources ou des monnaies et, surtout, en achetant et contrôlant d’autres entreprises par des opérations de fusion-acquisition {La frontière classique entre entreprises “financières” et “non financières” perd dès lors de son sens: les grands groupes (comme par exemple les géants de la distribution, Carrefour, Ikéa, Delhaize …) devenant, sans le dire, des entreprises aussi voire surtout financières.}.

L’internationalisation de l’économie

Si le développement d’entreprises multinationales provoque une rupture, c’est parce qu’elles y gagnent la possibilité de mettre les États en concurrence les uns avec les autres, de jouer sur plusieurs législations pour appliquer toujours la plus favorable aux actionnaires, et d’instaurer un chantage à l’investissement.

L’internationalisation de l’économie est donc avant tout l’inversion d’un rapport de forces: c’est de moins en moins l’État et de plus en plus les “investisseurs”, qui font la loi. Autrement dit, si le capitalisme d’avant 1980 était plus “civilisé”, ce n’est pas parce qu’il était “belge”: c’est parce qu’il était, en Belgique comme dans les pays voisins, encadré par des lois.

Le problème de la désindustrialisation {Ce qui suit est extrait du dossier réalisé par le journal Le Soir, L’industrie belge, une question de survie, mercredi 19 septembre 2012, p.2-3}

La Belgique a connu, à partir du milieu des années 1970, un phénomène accentué de désindustrialisation. La part de l’industrie dans le PIB n’a cessé de diminuer depuis plus de 20 ans en Belgique, comme ailleurs en Europe.

Il s’agit là d’un problème très grave tant du point de vue des conséquences sociales des fermetures d’entreprises que de la survie économique du pays, en général. En effet, la réindustrialisation est une question de survie pour la Belgique qui, du fait de sa taille, n’a qu’un petit marché domestique. Sa prospérité repose donc sur sa capacité à exporter. Or, de façon générale, les services ne s’exportent pas ou peu. Ce qui se vend, ce sont des produits manufacturés.

Toutefois, les industriels belges sont condamnés à perdre systématiquement s’ils se battent sur des marchés à faible valeur ajoutée. Il leur est indispensable de jouer la carte de la créativité et de l’innovation. Ceci leur permettra d’atteindre des niches de marché où la concurrence sur les prix est moins importante et donc les coûts salariaux moins “handicapants“.

Par ailleurs, afin de limiter les risques que les décisions concernant des entreprises implantées en Belgique ne soient prises à l’étranger, il y a tout intérêt à favoriser le développement de PME (Petites et Moyennes Entreprises) appartenant à des investisseurs locaux, peu tentés, a priori du moins, par l’envie de les délocaliser.

Au niveau communautaire

Malgré les réformes successives qui ont été adoptées au cours des décennies qui précèdent, les tensions et revendications à caractère communautaire vont se poursuivre et être à l’origine de la plus longue crise politique que la Belgique ait jamais connue. La tendance vers toujours plus de fédéralisme va continuer.

541 jours: La crise politique la plus longue de l’histoire de la Belgique

Le 16 juin 2010 vont avoir lieu des élections législatives anticipées. Le gouvernement est, en effet, tombé 2 mois plus tôt suite à une question communautaire: le parti libéral flamand (Open VLD) a choisi de quitter le gouvernement du fait de l’absence de solution dans le dossier de la scission de l’arrondissement électoral de Bruxelles-Halle-Vilvorde (voir infra).

Les 2 grands vainqueurs des élections du 16 juin 2010 seront le Parti socialiste (13,71%) et le parti nationaliste flamand NVA (17,40%). C’est donc ces 2 partis qui vont être à la manœuvre au départ. Un parti de gauche francophone et un parti nationaliste flamand de droite. Un vrai grand écart… entre la Flandre où le dossier communautaire est au centre des débats et la Wallonie où ce sont les problèmes économiques et sociaux qui sont au cœur des préoccupations.

Après un an de crise, la NVA va décider de quitter la table des négociations, refusant de négocier sur BHV (et réclamant la scission pure et simple de l’arrondissement). Par ce geste, elle va également mettre fin au cartel qu’elle formait avec le parti social chrétien flamand (CD&V), ce dernier étant d’accord de négocier BHV.

Deux mois plus tard, le 14 septembre 2011, 8 partis (PS, SPA, MR, Open VLD, CDH, CD&V, Ecolo, Groen) vont arriver à un accord sur BHV.

Le FDF (Fédéralistes Démocrates Francophones), estimant que l’accord n’est pas équilibré, va refuser de le signer et va décider de quitter la fédération qu’il formait avec le MR (parti libéral francophone).

La suite des événements va s’enclencher assez rapidement. Dans le sillage de l’accord sur BHV, l’accord sur la réforme de l’Etat va être signé (le 11/10) par les 8 partis. Toutefois, 2 jours après sa signature, les 2 partis écologistes (Ecolo et Groen) vont être exclus des négociations en vue de former un gouvernement. Celui-ci sera donc formé, en décembre 2011, par 6 partis. Il aura comme Premier Ministre, le socialiste francophone Elio Di Rupo.

Cela aura pris 1 an et demi (541 jours) et aura constitué la plus longue crise politique de l’histoire du pays et de l’Europe {Synthèse basée sur: 541 jours en 19 dates clés, La Libre Belgique, 06/12/2011}.Pourtant, durant tout ce temps, le pays a continué à fonctionner, du fait, pour partie du moins, de la décentralisation poussée (importance du rôle des Communautés et des Régions, à côté de celui de l’Autorité fédérale).

Une nouvelle réforme de l’État {Sauf mention contraire, ce qui suit est extrait de: Joos (Ph), LA SIXIEME REFORME DE L’ÉTAT[icon pdf ] (ACCORD PAPILLON)}

Le gouvernement Di Rupo s’est donc mis d’accord sur un projet de 6è réforme de l’Etat. La dernière réforme de l’Etat (et donc de la Constitution) datait de 2001.

La note rédigée dans ce cadre prévoit notamment:

  • La transformation du Sénat: Il n’y aura plus de sénateurs élus directs. Le Sénat sera composé de 60 membres (au lieu de 70), répartis en groupes linguistiques: 50 élus des Régions et Communauté (29 N, 20 F, 1 G) et 10 sénateurs cooptés (6 N et 4 F) {N: Néerlandophones, F: francophones, G: germanophones} à choisir par partis en fonction de leurs résultats à la Chambre. Les missions du Sénat seront limitées. Il ne traitera plus que des réformes de l’Etat, de la Constitution, des lois spéciales, et servira de chambre de réflexions sur certains thèmes de société {Van Eeckhaut (F), Accord sur la réforme du Sénat: la fin du bicaméralisme à l’ancienne, RTBF Info, samedi 5 mai 2012}.
  • La scission de BHV: voir ci-dessous
  • Le transfert de certaines compétences de l’Etat fédéral aux entités fédérées: il touche notamment l’emploi, les soins de santé et l’aide aux personnes, les allocations familiales, la réforme de la justice, la mobilité et la sécurité routière, les politique économique et industrielle, l’énergie, l’agriculture, l’urbanisme, logement et aménagement du territoire, l’administration locale.
  • La proposition de réforme de la loi spéciale de financement: l’objectif est de renforcer l’autonomie fiscale des Régions, par une augmentation significative de leurs recettes propres, et de responsabiliser les entités fédérées tout en assurant une solidarité dénuée d’effets pervers et en garantissant la viabilité du fédéral sur le long terme.

Cet accord est majeur car il modifie profondément le paysage institutionnel belge en déplaçant des compétences non négligeables (en termes de budget et d’outils) vers les entités fédérées.

En effet, les transferts de compétences se chiffrent à 17 milliards d’euros. L’autonomie fiscale représente près de 11 milliards. L’accord institutionnel modifie le financement des Régions: la dotation de l’Etat fédéral disparaît; en échange, le fédéral réduit (d’un quart) sa fiscalité sur les revenus et octroie aux Régions le droit de percevoir des impôts. Les Régions reçoivent donc la maîtrise d’une part importante de leurs revenus et pourront dès lors définir le montant de leurs revenus (via la fiscalité qu’elles appliqueront).

Les Régions vont devoir, progressivement, voler de leurs propres ailes. Jusqu’ici, la loi de financement prévoyait un mécanisme de solidarité entre Régions, mais aussi un système de compensation. A l’avenir, on compensera totalement les pertes occasionnées par la nouvelle loi de financement, pour les budgets wallons et bruxellois, mais il n’y aura plus de “bonus” aux mauvais résultats. De plus, cette compensation n’aura qu’un temps: 10 ans. Ensuite, le mécanisme s’éteindra, progressivement, les 10 années suivantes.

Cet accord complexe s’inscrit dans la lignée des accords précédents et est donc, comme eux, appelé à évoluer. Rendez-vous dans dix ans?

La scission de l’arrondissement électoral et judiciaire “Bruxelles-Halle-Vilvorde” (BHV)

Cet arrondissement électoral et judiciaire comprenait à la fois les 19 communes bruxelloises et les 35 communes du Brabant flamand.

Ces 54 communes étaient regroupées au sein d’un même arrondissement judiciaire et d’une même circonscription électorale. Cette entité hybride, à cheval sur la Région flamande (unilingue) et la Région bruxelloise (bilingue), était l’une des conséquences du tracé de la frontière linguistique.

Les règles garantissaient l’accès à un appareil judiciaire bilingue aux habitants de Hal-Vilvorde. Par ailleurs, les quelque 150 000 francophones résidant dans les 35 communes flamandes de Hal-Vilvorde avaient la possibilité de voter pour des candidats francophones bruxellois lors des élections législatives et européennes.

N’acceptant pas cette situation, les partis néerlandophones vont réclamer la scission de l’arrondissement. La revendication flamande s’inscrit dans l’idée que la Région flamande est unilingue, et que les francophones qui décident d’y vivre doivent s’intégrer. Au nom de l’homogénéité des régions linguistiques, la volonté de scission est aussi vieille que la frontière linguistique. Les partis flamands voient dans la scission de BHV l’occasion de sceller le caractère linguistiquement homogène de la Flandre et, en conséquence, de réparer “l’entorse au principe de territorialité” que constitue cet arrondissement hybride {M. Bu, BHV: c’est quoi ce truc?, La Libre Belgique, 06/09/2007}.

Après des années de tensions communautaires sur le sujet, un accord va avoir finalement lieu entre les partis (francophones et néerlandophones) membres de majorité gouvernementale, appuyés par les écologistes francophones et néerlandophones, en vue de scinder l’arrondissement de Bruxelles-Halle-Vilvorde.

Il prévoit la scission de l’arrondissement électoral {Pour ce qui est de la scission de l’arrondissement judiciaire, une fois la réforme judiciaire entrée en vigueur, le Parquet de BHV sera scindé en un Parquet bilingue à Bruxelles, dirigé par un Procureur du Roi francophone bilingue, assisté d’un adjoint néerlandophone, et un Parquet à Hal-Vilvorde, dirigé par un Procureur du Roi néerlandophone. Les justiciables francophones de Hal-Vilvorde pourront s’y défendre dans leur langue auprès de magistrats francophones bilingues détachés du Parquet de Bruxelles. In: JFH – Baudouin Remy – Philippe Walkowiak avec Belga, Le Sénat a voté la scission de l’arrondissement judiciaire de BHV , RTBF info, jeudi 12 juillet 2012} de Bruxelles-Hal-Vilvorde pour les élections à la Chambre et au Parlement européen.

BHV va être redécoupé en 2 arrondissements électoraux distincts: le Brabant flamand et les 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale.

Dans l’arrondissement du Brabant flamand, les électeurs des six communes à facilités linguistiques (Drogenbos, Crainhem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel et Wezembeek-Oppem) seront réunis dans un même canton électoral, celui de Rhode-Saint-Genèse. Ils pourront voter soit pour une liste de la circonscription de Bruxelles, soit pour une liste du Brabant flamand {Belga, La scission de BHV est votée, Le Soir, 05 juin 2012}.

Le vote par le Sénat et la Chambre de la scission de BHV (respectivement en juin et juillet 2012) constitue le premier volet de la sixième réforme de l’État .

Au niveau sociétal

A partir de 1996, la Belgique va être touchée par une importante crise politique. Ses détonateurs vont être d’une part l’affaire Dutroux et d’autre part la multiplication des procédures judiciaires concernant des personnalités politiques. Vont se poser à ces occasions les questions relatives au fonctionnement des institutions et aux rapports entre les différents grands pouvoirs constitutionnels.

Le déroulement d’événements distincts mais simultanés va être à l’origine d’attentes importantes dans le public {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.441-442}.

L’affaire Dutroux

L’affaire Dutroux” est une affaire criminelle d’enlèvements, de viols et de meurtres de fillettes et d’adolescentes qui a eu lieu dans les années 1995-1996 et dont le principal protagoniste, Marc Dutroux, a été condamné à la prison à vie.

Cette Affaire n’a pas été un fait-divers comme un autre et ses conséquences ont été nombreuses, tant au niveau judiciaire que politique.

A cette époque, des parents de victimes, dont certains étaient très présents dans les médias depuis la disparition de leurs enfants, vont dénoncer à plusieurs reprises le laxisme de l’enquête. Des mouvements citoyens de solidarité avec les parents des enfants disparus vont se créer aux quatre coins du pays. La contestation populaire va atteindre son apogée, le 20 octobre 1996, à l’occasion de l’organisation à Bruxelles, d’une “Marche blanche” réunissant plus de 300 000 personnes pour réclamer du changement.

societe-marche-blanche

Une commission parlementaire va être mise en place quelques jours plus tard. Dans deux rapports, elle va constater que des lacunes et des dysfonctionnements existent dans la structure du système répressif belge et que des fautes ont été commises lors de l’enquête. Elle va émettre des recommandations quant à une nouvelle organisation judiciaire.

Les dysfonctionnements de la Justice et les rivalités policières mis au jour par cette affaire vont provoquer d’importants remous et vont être, notamment, à l’origine de la réforme des polices {Celle-ci s’est matérialisée notamment par la dissolution de la gendarmerie et des corps de police existants et la création d’une nouvelle police intégrée} et de la justice {Ce qui précède est, pour l’essentiel, extrait de: Belga, Il y a 16 ans, l’affaire Dutroux ébranlait la Belgique, RTBF Info, mardi 31 juillet 2012}.

A l’occasion de cette Affaire, une tension grave va se créer entre les grands pouvoirs constitutionnels et tout particulièrement entre le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.441}.

Les procédures judiciaires concernant des personnalités politiques

Au cours des années 1990 et 2000, des faits litigieux, présumés ou avérés, relatifs notamment aux financements occultes de certains partis et aux malversations de responsables politiques, vont être largement répercutés auprès de l’opinion publique par les médias et vont contribuer à jeter un certain discrédit sur le monde politique belge et montrer que la Belgique n’est pas épargnée par la corruption.

Des instructions judiciaires vont être menées dans le monde politique, dans le monde économique et celui de la finance.

La découverte de certaines de ces affaires se situe dans le sillage de l’assassinat du Ministre d’Etat et leader socialiste, André Cools {Il s’agit là, du 2e assassinat d’un homme politique en Belgique, le premier ayant été Julien Lahaut, député et président du Parti Communiste, tué en 1950}, en 1991. En effet, la recherche du ou des mobiles du crime va mettre en lumière des malversations de grandes ampleurs impliquant des hommes politiques {L’enquête sur l’assassinat d’André Cools va déboucher en 1993 sur l’affaire Agusta qui, elle-même, va conduire à l’affaire Dassault, un peu plus tard, deux affaires de corruption mêlant achat de matériel militaire (hélicoptères et radars) et financement occulte du PS et du SP. Les hommes politiques impliqués seront condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis et à l’interdiction d’exercer une fonction publique pendant plusieurs années}.

societe-Andr-Cools-

Un premier résultat politique de ces “Affaires” va être le vote de la loi sur la limitation et le contrôle des dépenses électorales des partis. D’autres mesures touchant le cumul des mandats et la déontologie du mandat vont également faire l’objet de débats. Par ailleurs, la justice va se voir confirmée dans son rôle de contrôleur de la moralité politique.

L’abdication en faveur de Philippe (2013)

Le 21 juillet 2013 a été la date choisie par le roi Albert II pour abdiquer en faveur de son fils, Philippe de Belgique {Son épouse, Mathilde d’Udekem d’Acoz, est issue de la noblesse belge par son père et de la noblesse polonaise par sa mère} qui devient ainsi le 7e roi des Belges.

abdication albert ii

La journée du 21 juillet 2013 a, ainsi, été “historique” pour deux raisons:

  1. La première est qu’elle a été marquée par l’abdication volontaire du roi Albert II. Avant Albert II, aucun roi n’avait quitté le trône avant son décès, à l’exception de Léopold III, poussé à l’abdication par les troubles qui agitaient la Belgique au moment de la “Question royale” au lendemain de la deuxième guerre mondiale (voir supra).
  2. La deuxième raison est que, depuis le premier roi des Belges, il y a 182 ans, aucun roi n’avait prêté le serment constitutionnel le jour de la fête nationale.

phil et math

Au terme du règne de Philippe, c’est normalement sa fille aînée, Elisabeth, qui lui succédera, devenant ainsi la première souveraine de Belgique. En effet, ce n’est que depuis 1991 que la Constitution permet aux femmes d’accéder au trône.

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